En 1809, Alexandre Ier de Russie (le tsar de Guerre et Paix) vient de signer un armistice avec Napoléon, ce qui lui laisse les mains libres pour attaquer la Suède – et lui ravir la Finlande, laquelle était depuis le XIIe siècle province suédoise. Mais Alexandre ne se contente pas de conquérir le blanc royaume du Nord par les armes ; il veut se faire reconnaître par les Finlandais comme leur libérateur – et n'hésite pas à se présenter à cet effet devant la diète du pays « libéré ».
Le coup de génie de Waltari est d'avoir remarqué que la nuit où le tsar, au retour de la diète, fait halte dans un manoir de la campagne finlandaise coïncide avec la date anniversaire de l'assassinat de son père, le tsar Paul – drame dont le jeune Alexandre, jadis, a peut-être été l'instigateur. Il passera cette nuit – et, quelques mois après, une autre nuit encore – auprès de la jeune fille de la maison, Ulla, qui rêve de le délivrer du remords qui le ronge... et dont il fera la « conquête ». Car pour Waltari l'amour (qu'on se souvienne des Amants de Byzance) est une guerre, au terme de laquelle le couple affronté aura dû vaincre les préjugés qui entravent son essor.
Composé en 1944, dans un pays encore occupé par les Russes, ce livre où l'amour et la haine ne sont jamais où on les attend allait connaître en Finlande une étrange fortune : celle d'un livre fondateur, en lequel un peuple tout entier devait reconnaître l'ambiguïté de son destin – douloureusement partagé entre l'Orient et l'Occident.