Méfions-nous des poètes. En tout cas de ceux qui se plaisent à hanter les heures crépusculaires - et à qui l'habitude a donné des yeux de chat accoutumés à voir clair parmi la noirceur des choses. Mac Orlan a beaucoup déambulé entre chien et loup, à travers toute l'Europe, à une époque surtout (l'entre-deux-guerres) où bien des choses se tramaient dans l'ombre. Et il a vu. Que ces textes où il alerte le troupeau des aveugles, où il parvient à capter dans l'air du temps les images de la catastrophe promise à tous - et désirée par presque tous, peut-être -, que ces textes, disséminés dans différentes revues, n'aient jamais été rassemblés en volume est en soi un mystère. Un de plus. Mac Orlan privilégie ici ses lieux de toujours, où l'homme cohabite au naturel avec ce " fantastique social " qui fut le climat privilégié du Quai des brumes et de quelques livres mémorables : la rue, les quartiers " réservés " et leur faune interlope, les gares, les quais... Une invite à goûter la saveur authentique d'un monde qui précéda de peu le nôtre... c'est-à-dire à en savourer, selon le goût de l'auteur, la troublante amertume.