Étrange destin que celui du Trafiquant d'épaves, un roman que Borges et Henry James rangeaient parmi leurs livres préférés, et qui en notre langue a souvent manqué sur les tables des librairies quand il n'était pas proposé au lecteur en version abrégée. Aucune longueur pourtant dans ce roman kaléidoscopique qui nous offre à la fois, sous le manteau d'une ample narration, maintes confidences autobiographiques, une enquête sur les bas-fonds de San Francisco, un roman d'aventures marines de la grande espèce, une intrigue policière ourdie de main de maître... Roman émouvant, surtout, car l'aventure est ici placée sous le signe de l'échec. Comme si Stevenson cherchait à nous rappeler, avant de prendre congé, que toute entreprise est un naufrage mais que le but du voyage, à tout prendre, importe peu, pourvu qu'ait soufflé aux oreilles du voyageur le grand vent du Mystère majuscule.