De Paul Leppin (1878-1945), citoyen de Prague comme Kafka, Max Brod n'hésite pas à proclamer que certains de ses romans peuvent être sans honte comparés à ceux de l'auteur du Château : « Il fut une sorte de Baudelaire germano-tchèque. Mais privé de tout espoir de rédemption ». Récemment redécouvert en Allemagne après un long purgatoire, Leppin commence aujourd'hui seulement à être traduit (Marche dans les ténèbres, Phébus, 2001). Achevé au début des années trente (probablement en 1932), d'abord intitulé Der Untergang – titre qui évoque la chute, le cheminement dans quelque sous-sol dostoïevskien – et d'ailleurs sous-titré (provisoirement) « Roman d'un possédé », le présent récit ne sera publié qu'en 1984 (sous le titre Blaugast) et la critique saluera sa violente modernité.
Un homme livré à la nuit se laisse dévoyer par un ancien condisciple qui prétend étudier la science de la dégradation, la « biologie du dépérissement ». Ce dernier le confie à une femme qui, non contente de vendre ses charmes, s'ingénie à maintenir ses amants dans un état de complet asservissement érotique. La victime, cette fois, débordée par ses propres souvenirs (une adolescence pervertie par la honte), finira – ou manquera de finir – dans la plus basse abjection : celle de l'exhibitionniste payé quatre sous pour simuler dans des bouges les gestes d'un désir réduit à la pue (ou la pire) obscénité.
Dommage que Freud n'ait pas eu let temps de lire ce livre resté longtemps sous le boisseau.