Théodore Solier - il préfère qu'on l'appelle "Dodore" - pourrait bien être un grand frère de celui qui déjà nous racontait sa vie dans "Art de la fugue". Un grand frère en trompe-l'oeil, encombré par une mémoire trop large pour lui. Dodore n'est plus un jeune homme et n'a pas toujours compris comment il avait pu se perdre dans les traverses de ce siècle où on l'avait prié de bien vivre. Avec, en corollaire, cette question un rien plus précise mais non moins embarrassante : comment se retrouver quand on avance à l'aveuglette au fil des saisons de la vie, en butant contre les événements, en titubant à l'heure des décisions à prendre. Ou bien, plus précisément encore : comment retrouver, dans le dédale du métro, la trace d'un père disparu en 1914 sans laisser de corps? Acteur improbable de sa propre vie, sans rôle bien défini, moins joueur d'une existence qui lui appartient peu que joué par elle, il fera de sa mort son unique mise en scène : d'abord dans la forêt qui lui refuse la sépulture qu'il cherchait, ensuite dans un ultime face à face (ah, la trahison des miroirs!) avec la photographie, chambre obscure après beaucoup d'autres, propice à d'étranges révélations... le temps de cette faction de seconde qui éclaire le Temps et rassemble toutes les images en une seule - et pour cause. Un autre roman sur le désarroi de soi - radical quand ce sont les autres qui fuient et que le siècle a résolu de vous laisser dans votre coin.