Henry et Clara Rathbone sont des êtres de chair et de sang, et leur drame, relaté ici sous la forme du roman, n'est pas une fiction. Le destin voulut qu'ils fussent l'un et l'autre aux côtés d'Abraham Lincoln, au théâtre, ce soir de 1865 où le président américain fut assassiné dans sa loge. La chronique relève que leur aventure ne fut pas seulement marquée par cet acte de violence mais par un amour interdit vécu en secret depuis l'adolescence – et par la transgression des codes, moraux et sociaux, qui brimaient cet amour. Au fil du récit s'impose bientôt cette certitude : une sourde menace plane sur le moindre instant de ces deux existences comme sur le cours de l'Histoire collective – dont l'enjeu est ici, d'évidence, l'impossible bonheur d'une nation et des êtres qui l'incarnent.
Le romancier fait revivre ce même monde de bruit et de fureur que nous connaissons déjà pour avoir lu Autant en emporte le vent, mais il en révèle la face d'ombre. Il nous suggère peut-être que l'Histoire n'existe pas, que seule compte l'histoire de chacun : cette guerre intime dont le siècle fera le matériau de sa grande et cruelle aventure.