Le parc ombragé d'une petite ville de province, avec son kiosque à musique : lieu de bien des intrigues, où vibre l'écho cuivré des instruments à vent – auquel semble répondre la rousseur flamboyante des automnes qui se succèdent, ramenant année après année leur moisson de beauté, de désillusions et de regrets. Tel est le théâtre où se nouera, aux différentes étapes de la vie, le destin du jeune Nol, enfant partagé entre la confiance et la haine, adolescent livré à d'obscures révoltes, déchiré enfin par l'amour sans issue qu'il voue à la fille de son maître de musique Cuperus.
Peinture fine et impitoyable d'une société malade de ne pouvoir coïncider avec l'idéal supposé la fonder, le livre se veut surtout la quête d'une intériorité meurtrie, sans cesse mise à mal par les malentendus, le mensonge. La langue de Vestdijk, elle-même trompeuse, cherche à égarer nos certitudes les mieux ancrées, parfois faussement anodine, toujours vénéneuse, creusant comme une bête aux abois les galeries d'un monde souterrain où les protagonistes – et le lecteur – perdent pied, et où la musique (magiquement prénsente tout au long du roman) fait résonner sa présence bouleversante. En sourd une émotion pleine d'âpreté que l'auteur s'ingénie à casser, dirait-on, dès qu'elle se fait trop insistante, l'ironie, voire la bouffonnerie, prenant alors le relais, sans parvenir à nous faire oublier le climat d'impalpable danger où baigne le récit. Lucidité et nostalgie : la critique, à l'époque, évoqua un Proust. Un Proust brutal.