Il est vrai (historiquement parlant) qu'un homme, il y a un siècle de cela, a franchi les chutes du Niagara sur un fil. Il est vrai aussi qu'une femme du nom d'Anna Taylor a réussi peu après dans les mêmes parages des prouesses acrobatiques non moins insensées. Richard Watson imagine ici de faire se rencontrer ces deux personnages, et leur invente une biographie qui, pour être du pur roman, n'en repose pas moins sur les solides réalités de l'époque – et sur une connaissance précise de la pratique funambulique.
On nous explique que les vrais funambules – entendons ceux qui n'ont de cesse de progresser dans leur art –n'abandonnent jamais le fil et finissent toujours par tomber. On les suivra ici, le coeur battant, et l'on sortira de ces pages, écrites dans un style d'une pureté ailée, l'âme un brin désarçonnée, mais surtout émue ; et la tête toute retournée d'avoir vécu deux cents pages durant, nous aussi, sur le fil. Avec l'envie, peut-être, d'habiter un peu plus près des nuages ; et d'adresser à notre tour à la mort, quand elle viendra, le seul salut qu'elle mérite : une pirouette de grand style.