Franz von Karsch-Kurwitz, un aristocrate prussien partagé entre les débordements d'un vaste ennui et un sens inné de la discipline, devenu hydrographe un peu par hasard (il cherche une formule qui permettrait de prévoir le mouvement des vagues), prend la mer en 1913 à destination de Valparaiso. Un voyage qui serait sans grande surprise, si une mystérieuse passagère embarquée à Lisbonne n'allait précisément bouleverser sa vie le temps de la traversée...
Le tour de force d'Allard Schröder, narrateur particulièrement retors (il a reçu en 2002 pour ce roman le prestigieux prix AKO, l’équivalent de notre Goncourt), est d'avoir réussi à faire de l'atonie de son héros le moteur d'une histoire qui ne laisse pas de captiver, de fasciner même – une discrète citation de Pessoa en cours de récit donne le ton : mélancolie mais sans effusion. Un homme parcourt l'océan en rêvant d'une vie qui ne fasse pas de vagues ; mais l'existence la mieux rangée n'est à l'abri de rien – surtout si l'on sait que l'ennui est parfois le pire fauteur de troubles...