Au commencement était un conteur, en la bonne ville du Caire ; un conteur insomniaque... Au commencement était aussi, en la même année 1486, un jeune chevalier anglais du nom de Balian, fraîchement débarqué sur les rives du Nil. La grande ville, construite à la façon d'un labyrinthe – ou d'un conte –, lui réserve ses mirages, ses prodiges et ses pièges. Que Balian lui-même s'avère une créature de conte, rien que de normal en cet Orient peuplé d'imaginations en fièvre, où le premier venu vous sort de sa besace une histoire à raconter, dont le héros finira bien un jour par exister... et par vous conter à son tour l'histoire d'un conteur épris de terribles chimères.
L'on songe aux Mille et Une Nuits, et mieux encore au Manuscrit trouvé à Saragosse du divin Potocki. Très vite pourtant, il apparaît que cet Orient où nous perdons pied est un lieu où le réel est inféodé au rêve. Les protagonistes, épuisés chaque soir par les tribulations d'une existence aventureuse à l'excès, cèdent au sommeil... et rêvent qu'on leur conte en rêve des récits où ils ne tardent pas à s'engouffrer en chair et en os, et qui prennent bientôt toute la consistance du réel. Au réveil – mais parvient-on jamais à se réveiller du grand Rêve ? –, ivres d'images, de terreur et de volupté (car l'amour règne ici sans frein), ils se surprennent à se pincer, et l'innocent lecteur avec eux, pour se prouver qu'ils ne sont pas seulement le fruit d'un songe...