Robert Irwin, considéré outre-Manche comme un des romanciers les mieux prometteurs de cette fin de siècle (Nocturne oriental, Les Mystères d'Alger, Cadavre exquis...) poursuit son enquête iconoclaste sur quelques-unes des tricheries majeures de l'époque : ici sur la tentation du satanisme, dans le sillage d'une jeunesse qui crut découvrir, naguère, une forme nouvelle de liberté en explorant l'univers des drogues et du sexe. Peter vit avec Sally, une jolie fille prête à bien des choses... mais peut-être pas à le suivre à la Black Book Lodge, une secte « noire » qui promet monts et merveilles à ses fidèles : sinon la maîtrise du monde, en tout cas pas mal de pouvoir et d'argent – moyennant une soumission aveugle aux injonctions du Maître de l'Ordre... L'ambition... Peter n'en manque pas, et croit avoir appris à déchiffrer son monde. Beaucoup s'illusionnent en se donnant l'impression d'accomplir le bien et en tirant parti de leur vertu à la face de la société : le roman depuis Balzac est plein de ces faux braves gens à qui l'on donne le Bon Dieu sans confession et qui croient pouvoir gagner le ciel et la fortune en s'inscrivant très jeunes au parti des bien-pensants. D'autres – mieux avisés ? – parviennent à leurs fins par la voie inverse : en commettant délibérément le mal. Encore faut-il avoir, à ce jeu, l'âme bien trempée : viser haut et garder l'esprit libre. Il est d'ailleurs possible qu'à cette altitude les « mauvais » fassent moins de mal que les « bons » à l'étage du dessous. Le malheur de notre siècle – sectes et idéologies confondues – est que Satan recrute surtout parmi les médiocres... La critique anglaise vient de faire un superbe accueil à ce roman, dont on s'apprête déjà à tirer un film.