Une petite ville de l'Ouest trente ans après la Ruée vers l'or, à l'heure du progrès conquérant et des premières désillusions. L'épopée de la Frontière a rejeté là ses faux héros, ses mutilés, ses aigris – et ses avaleurs de songes. Ici comme ailleurs, rien n'a changé depuis Ulysse : quand on cherche quelque chose, c'est soi.
Cecil Roop, un vagabond mal accordé à son siècle, rêve d'atteindre quelque vallée perdue des Rocheuses afin de capturer un ours qu'il promènera de saloon en saloon, comme un baladin de l'ancien temps. Il s'acoquine avec Sutton, un chercheur d'or ancien acrobate de cirque et avec une Indienne qui porte le prénom très chrétien de Margaret. Leur font escorte Roy le manchot et Charley, une forte tête que l'on devine capable du pire. Et nous suivons pas à pas la petite troupe à travers des paysages dont la splendeur inviolée semble tourner le dos à l'histoire des hommes. Nous apprenons à déchiffrer les signes que la nature adresse à ceux qui se confient à elle. Nous scrutons les gestes énigmatiques des derniers Indiens sauvages. Nous vient même, avec Cecil, l'idée de traquer le Bigfoot, cette créature mythique qui hante la légende locale, et ce rêve – tel celui du capitaine Achab lancé à la poursuite de Moby Dick, la baleine blanche – ne tarde pas à nous ensorceler...
Car l'aventure ici est tout aimantée par la recherche – forcément déçue – de l'âme sauvage du monde. Oui, pourquoi cette quête, quand il est si confortable de tamiser la rivière et de s'enrichir, fût-ce au mépris de l'Indien d'en face – dont les desseins, au demeurant, sont aussi secrets que ceux du loup ? Les héros d'Edward Hoagland n'ont pas de réponse à cette question et se contentent d'aller : comme si pour eux le but du voyage n'était autre que le chemin lui-même.