Pouvoir évocateur du mythe, légendes transmises au fil des générations, pays réel de rires et de souffrances, le Tibet charrie tant de rêves qu’ils convergent vers ce point focal dit le toit du monde, au cœur de la Haute Asie. Et lorsque le regard découvre d’un coup d’œil l’incommensurable étendue au seuil du col d’altitude, le souffle se fait court face à la beauté dévoilée comme à l’improviste.
Au-delà du formidable rempart himalayen, au-delà de la cristallisation de tant d’aspirations diffuses ou articulées, au-delà de l’ardent désir d’atteindre au plus haut se déploie cet infini d’autant plus surprenant qu’il s’inscrit dans une réalité tangible : éclats de lumières et de couleurs, rondes des vents d’où jaillissent des mirages. Des montagnes, des lacs et des rivières, des champs d’or et des vallons de ténèbres, des sentiers et des grottes portant à jamais témoignage d’une terre à la lisière du ciel, à l’altitude des dieux. Où, voyageur ou pèlerin, les hommes ne font que passer. Des ruines aussi, vestiges de la folie de quelques-uns, et l’indomptable sens de liberté qui flotte dans un silence habité. Traversés les grands cols, franchies les chaînes montagneuses amoncelées, le temps se fige. Rendez-vous avec le silence, compagnon de l’attente et de la solitude. Jusqu’à l’instant de la rencontre, autant imprévue qu’improbable, et l’explosion des couleurs dans le roulement des chants profonds à l’heure de la fête. Jusqu’au vertige.
Au pied et autour des sommets sacrés, sur la rive des grands fleuves aux eaux lancées dans la course vers des mers inconnues, à proximité d’un monastère où la ferveur de générations sans nombre de pèlerins a poli le miroir des songes. Sous un ciel qu’on dirait à portée de main tant les nuages se traînent à ras de terre, où divinités et fées tiennent nuitamment compagnie au chemineau dans des tourbillons d’étoiles.