Parce qu'il a eu la malchance d'être enrôlé de force dans l'armée franquiste (et d'être décoré par erreur!), Costa se voit entouré d'un cercle de malveillance, dans le petit port de pêche catalan où il vit seul avec sa mère, et où l'on reste « rouge » de cœur. La mer le nourrit à peine, et il faudra la prise d'un mérou de grande taille pour que le malheureux garçon puisse espérer enfin épouser Elena...
Espérer seulement... Car Costa est né sous une mauvaise étoile. Elena qui s'est engagée comme domestique à Barcelone échoue dans un bordel. Et au moment même où l'ostracisme dont il est l'objet semble vouloir se relâcher, voilà que Costa se trouve accusé d'avoir dénoncé à la police un agitateur qui s'est réfugié chez lui.
Autour de ce destin solitaire marqué par le guignon, toute une galerie de personnages hauts en couleur composent une humanité baroque : le lieutenant de police Calles, sadique et puritain ; l'agent secret Molina, qui ne croit plus trop en la Révolution ; la gitane Paquita, allumeuse professionnelle ; enfin et surtout, Don Federico, vieil aristocrate cabochard, épicurien, sceptique et généreux, lequel se sacrifie avec panache à une cause qui n'est pas la sienne – ce qui lui assurera une fin pleine d'ironie et de grandeur.
Norman Lewis déshabille ici l'Espagne de l'après-guerre, avec les gestes que l'on a pour une vieille maîtresse longtemps aimée. Et l'émotion est là, qui nous fait quitter à regret, la dernière page tournée, ce petit monde où flotte un discret parfum d'éternité.