L’un des plus grands romans de Vicki Baum (1924), dans sa veine la plus sombre, la plus « mal-pensante » : celle du terrible Shanghaï Hôtel. Ulle (diminutif d’Ulrich), un gamin qui ne veut pas grandir, est la tête de Turc de son quartier – on est dans une petite ville d’Allemagne, en un temps qui ose s’appeler la Belle Époque. Le gamin fait tôt l’apprentissage de la solitude et de la honte assumée, sinon acceptée. À dix ans, il lui faut bien admettre l’évidence : il est nain, et devra continuer de subir sa vie durant quolibets, rebuffades, désamour… Sauvé par le cirque où il se produit comme acrobate, puis par le théâtre, il en vient, l’âge venu – non sans avoir manqué lui-même de s’égarer à l’heure du succès –, le cœur toujours blessé mais presque réconcilié avec lui-même, à attendre la fin comme une délivrance : la mort bientôt, demain peut-être, le rendra l’égal de tous…