Le plus dérangeant peut-être parmi les grands romans de Vestdijk – maître pourtant de l'intranquillité –, Un fou chasse l'autre (1948 – resté inédit en français à ce jour) propose une descente dans l'univers intime de la folie.
Eddie Wesseling, un lycéen de seize ans en révolte secrète contre le monde, rêve de se livrer à des expériences dont les âmes bien-pensantes diraient qu'elles ne sont pas de son âge. Fasciné par la personnalité de son cousin Fré, un musicien qui passe pour fou et que son entourage humilie, il se persuade que lui seul peut le « sauver ». Ayant découvert que Fré venait d'être enfermé dans un asile, il lui rend visite et favorise son évasion : les deux garçons échangent leurs vêtements, et Eddie prend la place du « fou »... Dans une note rédigée lors de la sortie du livre, Vestdijk écrit qu'il a conçu son roman comme une « protestation contre l'indifférence », le monde de la folie ne nous paraissant finalement « étrange » ou « étranger » que parce qu'il excède les limites de notre compassion. Un constat auquel bien peu se sont risqués avec un tel mépris des précautions (Gogol seul, peut-être...). D'où le bizarre sentiment de danger dont le lecteur ne peut se déprendre au fur et à mesure qu'il avance dans ce roman, d'une singularité qui laisse pantois.