Ce court roman (1908), considéré par Gorki comme son oeuvre « la plus mûre », salué à sa sortie par un immense concert d'applaudissements – et de sarcasmes (Lénine condamnera sans appel son « mysticisme ») –, traduit en français dès 1909 (mais de façon scandaleusement amputée), sera exclu des Œuvres complètes de l'écrivain par la censure marxiste... et condamné, par le fait, à près d'un siècle d'oubli.
C'est donc un quasi-inédit que l'on propose aujourd'hui aux lecteurs de langue française. Et un inédit de la meilleure eau...
Raconteur-né (comme Jack London à qui il fait si souvent penser), Gorki empoigne dès les premières pages les rênes de sa troïka pour un galop picaresque de sa façon... et fouette, cocher ! ... Matveï, son héros – qui lui ressemble comme un frère –, fait ses classes sur la route avec les vagabonds, pratique tous les métiers, et finit par trouver la Voie – celle d'un christianisme social parfaitement hérétique – au fil de rencontres hautes en couleur.
La sainte Russie est vaste, et vaste aussi ce court roman qui contient la terre immense. Cette générosité-là, seuls les Russes de la grande espèce savent la pratiquer. Et peu importe, dès lors, qu'on adhère ou non aux idées de l'écrivain, aussi sympathiques qu'irréalistes. Il nous suffit d'aller avec lui sur ces chemins perdus semés d'embûches et de merveilles, qui finissent par rejoindre ceux des Mille et Une Nuits.Marx se perdra en cours de route, et Jésus lui-même... mais nous nous y retrouvons. Et c'est ainsi que Gorki est grand !